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  • : Un jour, une œuvre
  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

marie-taglioni-in-zephire.jpg

28 décembre 2016 3 28 /12 /décembre /2016 08:45
Le jeune Tchaïkosky

Le jeune Tchaïkosky

Sur le forum que j'administre, dansespluriel, j'ai ouvert tout un topic sur le Lac des cygnes et ses secrets.

  • Vous pourrez y lire quelques réflexions jetées sur le papier qui concerne l'admiration que Tchaïkowsky, homosexuel, portait à Louis II de Bavière, qui lui même se prenait pour le Chevalier aux cygnes, Lohengrin, allant jusqu'à faire ériger Neueschwanstein, le château de la nouvelle pierre du cygne près du lac de Starnberg, où il fut retrouvé noyé (comme le prince Siegfried)
  • Ou bien comment Proust s'est inspiré du ballet pour créer les personnages de Swann (cygne) et Odette ( son amante) qui deviendra une véritable Odile au fil des pages du premier opus qui ouvre la Recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann.

 

  • Vous réviserez ce qui, sur le plan chorégraphique appartient à Petipa, ou Lev Ivanov, qu'on a tendance à oublier, ou encore à Noureev qui a créé deux versions : l'une pour Vienne en 1961 et l'autre pour Paris en 1984.
  • Vous y lirez aussi comment le Lac de Noureev a créé une véritable tempête, en 1984, les 150 danseurs étant alors en grève et refusant de danser la version que Noureev leur proposait. C'était la guerre entre ces deux camps, mais Noureev finit par faire la paix et c'est sa version que l'opéra danse depuis tout ce temps. Avant sa venue, l'ONP dansait la version de Bourmeister qui fut remontée ( Noureev l'avait promis pour avoir la paix) la saison suivante.
  • Vous accéderez aux dossiers de l'INA avec des documents inédits
  • Vous découvrirez que la série des 32 fouettés n'est ni de Petipa, ni d'Ivanov mais de Pierina Legnani, danseuse italienne qui fit une magnifique synthèse entre les écoles russes, françaises et italiennes et leur célèbre travail de virtuosité pour les sauts et la batterie. C'est elle qui a eu l'idée de clore l'acte III par ces fouettés à présent si célèbres que la salle les attend, les compte et en un mot, me tape sur les nerfs à chaque fois que ce passage arrive!

 

  • Vous découvrirez en quoi la version de Noureev est si personnelle et avec quelle simplicité il a su resserer le drame autour du prince, donnant un double à Wolfgang qui a l'origine n'en avait pas, permettant ainsi au pas de 3 de l'acte III de trouver un ressort théâtral inédit
  • Et enfin, comment et pourquoi il s'est débarrassé de la sublime danse russe.

Tout cela à lire sur le forum dansespluriel 

Peut être aurez vous ensuite envie de nous rejoindre?

 

Lev Ivanov, le génial créateur des actes blancs

Lev Ivanov, le génial créateur des actes blancs

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17 décembre 2014 3 17 /12 /décembre /2014 08:17

 

C'est début janvier que le ballet royal de Suède viendra danser " Juliette et Roméo " - titre inversé par Mats Ek lui-même.

Il a créé ce ballet il y a deux ans sur un montage musicale de pages  de Tchaikowki  ( qui n'a composé qu'une ouverture sur ce thème) - à noter que Berlioz a écrit lui aussi une symphonie absolument sublime et très méconnue! -

 

 

 

Comme toujours avec Mats Ek, la spectatrice que je suis risque d'être " ébouriffée" au passage; les émotions seront sans doute grinçantes, douleur et plaisir portées à leur paroxysme, l'intensité du désir de vivre ou de mourir frisera la folie, le tout coulé dans une chorégraphie où les corps se déployent et se recroquevillent sans cesse, bondissent et rampent.... et inventent un langage qui révèle les profondeurs de la psyché de chaque personnage.

 

Mats Ek, c'est le créateur génial de  Appartement, de Giselle, de Smoke, de la Maison de Bernarda, Une Sorte de, oeuvres fortes qui livrent au delà de l'esthétisme un propos qu'on emporte avec soi et sur lequel on réfléchit longtemps

 

J'y serai le 15 janvier....

 

En attendant, une video de présentation


 

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8 mars 2014 6 08 /03 /mars /2014 23:00

 

Voici une liste des principaux articles consacrés à des oeuvres chorégraphiques. Il suffit de cliquer sur le lien pour lire l'article correspondant.

 

 

 

Béjart

 

Le Boléro 1

Le Boléro 2

 

Le Mandarin Merveilleux

 

 

Noureev

 

Casse Noisette 1

 

Casse Noisette 2

 

Raymonda

 

Cendrillon

 

Roméo et Juliette

 

La Belle au bois Dormant

 

 

 

Ballets Romantiques

 

 

Giselle 1

Giselle 2

Giselle 3

 

 

Martha Graham

 

Lamentation

Errand into the Maze

 

 

Petipa/ Lacotte

 

 

La fille Du Pharaon

 

 

 

Carolyn Carlson

 

Signes

 

 

Belarbi

 

 

Hurlevent

 

 

Cocteau Chanel Nijinska

 

Le train Bleu

 

 

Prejlocaj

 

Médée

 

 

Mats Ek

 

 

Appartement

 

 

 

 

Nicolas Leriche

Caligula, Nicolas Leriche, à l'ONP du 16 au 28 mars

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13 octobre 2013 7 13 /10 /octobre /2013 08:31

 

 

Boléro

 

On ne peut évoquer Boléro sans aussitôt voir Jorge Donn, sa démesure et son génie envahir tout l'espace d'un film de C Lelouch.

   Le Boléro  de Béjart est une oeuvre qui peut être dansée par un homme ou une femme. 

  Boléro fait partie de ses oeuvres universellement connues... et souvent mal comprises. Elle avait été composée pour Ida Rubinstein, en 1932,qui, sans être une grande technicienne, avait ce quelque chose d'unique qui illuminait la scène, un vrai charisme.

Béjart s'en est emparé et a créé une oeuvre étonnante.

 

 

L'oeuvre de Ravel utilise plusieurs " ingrédients" qui la rendent envoûtante. Deux phrases musicales, très longues, toujours répétées deux fois, l'une jouée en majeur et l'autre en mineur, se déroulent  tout le long de l'oeuvre, soutenues par une   rythmique obsédante, base de cette danse espagnole : immobilité et mouvance créent l'ombre et la lumière de l'oeuvre. Le deuxième thème est plus oriental que le premier, tout entortillé sur lui même. Il évoque presque un serpent sortant de son panier!  La flûte fait une entrée   doucement lumineuse, puis tour à tour les bois entrent, jusqu'à l'irruption étonnante du célesta...  peu à peu, quelque chose d'impétueux, de sauvage va s'emparer de l'orchestre... cela est très net après l'entrée impérial des violons, rendus fougueux par leur longue attente. Le trombonne, ironique et décalé,  y va de son solo un peu jazzy, le hautbois, tout languide,   de son ton un peu triste, toujours si élégant et mélancolique,  le saxophone apporte une touche stylée inattendue, une chaleur inattendue. Peu à peu, tout l'orchestre s'empare de ses deux phrases, si longues, qu'il est difficile de les retenir vraiment... il manque toujours une note quand on les chante...

Cette fièvre qui monte,  et qui emporte l'auditeur jusqu'à une extase sauvage, Béjart a parfaitement su la transcrire en pas et mouvement

 

 

 

 

 

Monotone, Boléro?

non, plein de mystère, de fougue, de poésie, de scintillement, d'humour... Boléro se déroule comme un ciel infini et immuable où passent les nuages... toujours les mêmes mais aux formes sans cesse renouvelées...

 

 

Quand à la chorégraphie...

 

Un homme/femme danse sur un table ronde, au milieu d'un groupe de danseurs. Au fur et à mesure de l'entrée des instruments, les danseurs autour de la table interviendront.

On peut imaginer toutes sortes de choses : une corrida avec mises à mort, un rite sacré très ancien... l'oeuvre peut se livrer aux débordements de l'imagination de chacun.

La danse commence par le jeu du bras qui se lève et s'abaisse... mais peu à peu, elle va devenir sensuelle, violente, sauvage, jusqu'à la possession du danseur par la musique... Le corps se balance, les hanches se meuvent avec sensualité, le buste frémit, le corps tout entier est pris par le rythme lancinant du Boléro et la passion de l'orchestre.

 

Par ailleurs ce qui fait la magie de Bolero est l'aspect féminin/ masculin de la chorégraphie

Les jeux de bassin sont féminins, lascifs parfois, avec une utilisation très orientale. On trouve des accents, des déhanchements, des ronds de bassin dont l'accent se finit sur le côté.  Ce sont presque des emprunts à la danse orientale. L'un des pieds est à plat, l'autre demi-pointe qui induit cet oscillement du corps sur lui même.

Même chose pour le buste qui utilise ( mais pas du tout comme Graham) les contractions et relâchement.  Le balancement du corps, son oscillation, le jeu des bras, tout cela est fluide, souple, du domaine du féminin. Les bras serpentent, les mains et les poignets aussi.

En opposition, la présence des garçons,  le travail de leur buste, la force qui se dégage de leur attitude, de leur pose, leur nombre, apporte un élément masculin puissant.Parfois, la Grèce et ses fresques s'équissent un instant...

Le soliste doit à la fois puiser dans sa féminité pour apporter l'élément " oriental" de la danse, et dans sa force pour, déjà, tenir les quinze minutes, et surtout pour que les sauts, les battements, les jetés de bras, les expressions du visages soient fougueux, passionnés, pleines de force, ce que par exemple Plissestkaia ou Guillem réussissent merveilleusement bien que femme.Sans parler d'Elisabeth Ros sensuelle et guerrière tout à la fois.

Ce double aspect féminin/masculin dans cette chorégraphie est sûrement l'un des aspects le  plus fort, le plus troublant, et qui donne ce côté hautement érotique à l'oeuvre.

 

Cöté garçon, Donn lui donnait son érotisme, son génie, sa sensualité un peu folle,  Leriche, son érotisme,  sa puissance, tout en y exaltant sa féminité.

Plissestkaia apporte sa ferveur presque mystique. Guillem, une forme de domination dont elle se joue, dont elle s'amuse.


 

Savez vous que ?

d'une version à l'autre, Boléro dure de 13' 55 minutes à 16'02...

C'est l'oeuvre la plus jouée dans le monde.

 

 

 

Histoire à suivre!.....

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31 janvier 2012 2 31 /01 /janvier /2012 21:49

 

train.JPGLe train bleu –

Argument de Cocteau/

Chorégraphie de Nijinska/

Rideau de scène : Picasso/

Costume de Chanel/

Musique de Mihlaud

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Que de monde rassemblé pour ce ballet créé en 1924 !

J’avais réussi il y a quelques années à me le procurer en DVD

Quelle déception !  J’avais trouvé ce ballet bavard et inintéressant

Et puis, l’autre jour, comme je préparais des cours autour du Step in the street, de Martha Graham, extrait de Chronicles, et beau-gosse-et-tennis.JPGce afin d’illustrer la crise de 1929, et les sans logis,  je me suis dit que proposer  à l’analyse une œuvre à l’opposé, parfait reflet des années folles, serait sûrement très enrichissant !

J’ai donc revu le Train Bleu

Et bien, je me suis bien amusée !

 

Voilà l’art : tout dépend de notre état d’esprit et aussi de ce que l’on s’est préparé à voir !

En visionnant le Train bleu la première fois, j’avais une attente incroyablement forte : pensez donc, Cocteau, Chanel, Nijinska… je m’attendais à l’un de ces chefs d’œuvres qui révèlent ce qu’est la danse… son essence, même !

Naïve que je suis, cette œuvre là n’existe pas !

Mais revenons à notre Train.

 

Le Train bleu, c’est d’abord ce nom mythique qui emporte l’imaginaire vers la côté d’Azur…

Le train a été créé pour relier l’Angleterre à la Côté d’azur, d'où une véritable petite communauté anglaise à cette époque sur tout ce littoral… de ce nom, Train bleu, il ne reste que le triste restaurant de la gare de Lyon,  témoin d dérisoire e ce prodigieux passé…

Le Train Bleu, c’est aussi les riches industriels se faisant construire à flan de falaise de superbes villas qu’ils déserteront au moment de la grande crise de 1929… ( le domaine du Rayol est l’une de ces anciennes bâtisses…)

C’est Colette écrivant dans sa retraite au soleil, c’est les Ballets russes à Monte Carlo…

C’est Isadora Duncan paradant en voiture, sa longue écharpe flottant au vent …

C’est Chanel lançant la mode du bronzage, et des bains de mer.

C’est les grands hôtels, les casinos, les voitures décapotables qui filent entre Nice et Monte Carlo 

C’est Matisse, Picasso, pourchassant la couleur, la lumière…

 

Cocteau, ce touche à tout aux milles facettes et facéties s’empare de cette société d’après guerre qui aspire à s’amuser, et qui a créé notre société d’aujourd’hui :   on bronze, on fait du sport, on parade, on minaude, on exibe son beau corps musclé et sa jeunesse, on flirte… et en secret, on se compare les uns aux autres… mais   on immortalise le tout par des photos pour montrer notre belle vie !

 

peignor-rose.JPGA travers quatre personnages – beau gosse, Perlouse,  la championne de tennis, le golfeur, et  tout un escadron de jolies filles et de beaux garçons en maillot de bain – on croirait voir une pub pour le club med !-  est présentée cette société du «  tape à l’œil », de l’image, de l’argent flambé, de l’apparence qui est croquée en quelques esquisses irrésistibles, drôles et caustiques !

 

Dans le dernier tableau, il faut voir la championne de tennis et le golfeur se battre à coup de club et de raquette, tout en prenant la pause avec sourire jusqu’aux dents pour les photos qui paraîtront dans le journal du lendemain, puis se ré-empoigner aussitôt la photo terminée

 

Les cabines de bain sont très «  Cocteau » : on y entre, on en sort, on s’y cache, on y fait des farces, on y emprisonne ceux dont on veut se débarrasser, mais on peut en sortir par le haut, se faire des coucou, se saluer, espionner… elles servent à tout ! Et éventuellement à y enfiler de magnifiques peignoirs de bain pour parader sur la plage !

 

On imagine le soir  toute cette société, s’engouffrant dans des décapotables et partir au casino boire des fontaines de champagne et y brûler encore plus d’argent.

 

Les personnages sont grotesques, drôles, mais si contemporains en même temps !!!

 

Dans la version que j’ai – qu’on doit pouvoir trouver dans toute bonne dvdtèque de ville !- il y a N Leriche, alors tout jeune, C Vayer, irrésistible, - quelle actrice !!! – Laurent Quéval, et E Maurin, délicieuse en Perlouse !

 

La musique tonitruante de Darius Milhaud déverse son tohu-bohu sans queue ni tête sur cette société superficielle, frivole, qui n’a qu’une chose en tête : s’amuser, et savoir si son voisin a plus que soi même…

 

Je ne savais pas Nijinska douée pour l’humour ; d’elle je ne connaissais que les Noces, œuvre d’une austérité presque insupportable…là, elle croque les personnages comme personne, et fait même des clin d’œil aux girls des qu-on-est-beau.JPGmusicals américains !

 

Cela m’a donné envie de   voir ce Train Bleu (qu’on ne voit pas, c’est l’Arlésienne du ballet !) sur scène ; il faudrait bien sûr d’excellents «  acteurs » car le jeu de scène est presque plus important que la danse ; comme je l’écrivais plus haut, Clotilde Vayer est vraiment impayable ! Quelles mimiques, quel pitre elle fait !   

Voilà une œuvre qui, si elle n’est pas un chef d’œuvre, est le reflet parfait d’une époque : celles des années folles, d’une société riche et frivole, qui n’a qu’un désir en tête : oublier la boucherie de la guerre 14 en vivant vite, en faisant beaucoup de bruit, et en s’amusant coûte que coûte… la crise de 29 allait effacer tout cela quelques années plus tard…

 

Et là, on arrive… chez Graham… pour une autre fois !!!

 

 

 

 

 

 

 

Picasso.JPG

 

Ces Deux femmes courant sur la plage de Picasso ont été peinte sur le rideau de scène du Train Bleu

Picasso a collaboré pour d'autres ballets, comme le Tricorne, ou encore Parade...

j'y reviendrai un autre jour!!!

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3 décembre 2011 6 03 /12 /décembre /2011 10:06

310061f7ed62d541feb1e4d296886df8Cendrillon de Noureev est un drôle de ballet ; créé sur mesure pour Guillem par Noureev, il avait été capté en 1987 avec Guillem – Loudières- Guérin – Jude  et Noureev lui-même dans le rôle du producteur. Jamais, hélas, réédité en DVD, alors que la captation est superbe !

J’ai usé cette VHS ; Guillem, 22 ans, y  incarne une Cendrillon modeste et douce qui désire coûte que coûte devenir actrice ; pas par rêve de gloire, car l’on sent la jeune fille rêveuse et simple, mais parce que viscéralement, c’est une vocation… Guillem a ce talent inouï, de faire comprendre qui est son personnage en profondeur et ce qu’elle veut : cette vocation   lui permet d’accepter la dureté de sa vie ; douce, gentille, généreuse, elle est maltraitée par ses sœurs et sa marâtre et ne parvient pas à arracher son père à l’alcool. Aussi,    près de l’âtre, elle déplie l’affiche du Kid de Chaplin pour se réconforter, car l’amour du 7ème art qu’elle a chevillé au corps l’aide à tout surmonter… grâce au producteur qui atterrit «  par accident » chez elle, ce rêve se réalise, le producteur jouant le rôle  providentiel de la fée : parée comme une reine, elle s’y rend pour tourner un bout d’essai. Sa descente du grand escalier (comme dans les comédies musicales américaines) entourée de photographes qui d’instinct devinent en elle la star en puissance est un réel moment de poésie.  Sauf que, elle est portée par les photographes et deploie ses jambes en grand jeté, comme si le rêve ne s'était pas encore véritablement réalisé. Là, elle fait la connaissance d’un jeune premier dont elle tombe amoureuse, mais se voit contrainte de quitter les studios, car les "heures sonnent" et lui intiment l’ordre de retourner chez sa marâtre. De retour dans son logis,  elle n’oublie rien de ce qu’elle a vécu. Son corps se rappelle tout ce qu’elle a appris et elle se met à danser, comme dans un état second,  une serpillière à la main ; elle se reprend, mais quelques instants plus tard, elle recommence… d’ailleurs,  tout au long de l’œuvre, Guillem  se montre intense, espiègle, douce, généreuse, consolatrice,  poétique, glamour, star radieuse,  et bonne à tout faire…  à 22 ans, c’est une actrice née, qui sait utiliser merveilleusement sa technique pour mettre son âme à nu.

 

Noureev bien évidemment a glissé une bonne dose d’humour dans ce ballet ; il s’y est beaucoup amusé ! Les rôles des « méchantes » sont comiques ; pas questions de tomber dans le «  vérisme » ! En devenant la bonne fée providentielle de Cendrillon,  il déclare  de cette façon  à Guillem qu’il adorait «  j’ai été ta bonne fée, grâce à moi tu es devenue étoile sans en passer par tous les degrés imposés par l’opéra de Paris ». En dansant lui même le rôle du producteur, il dit aussi au public : « voilà, je rends toute sa  magie, toute sa force et sa beauté à l’opéra de Paris, pour le remercier d’être mon port d’attache, moi qui suis un exilé »

A leurs côtés, Guérin et Loudières incarnent les deux sœurs bêtes et méchantes : l’une est teigneuse, raide, disgracieuse à souhait ; l’autre sotte, «  godiche », molle comme une guimauve ; leur duo est inénarrable ! Elles prennent des cours de danse pour se préparer à leur audition dans les studios auprès d’un professeur qui s’arrache les cheveux devant tant d’incapacité ! Leur duo comique est vraiment à hurler de rire si c'est bien dansé, surtout lorsque le professeur vient chez elles et qu'elles se mettent à la barre.

Petite aparté : c’est étrange de voir que l’une comme l’autre ne sont pas  à l’opéra de Paris actuellement pour y transmettre tous ces ballets qu’elles ont si bien dansé à leur tour ; pourquoi ?

 Le rôledu professeur aussi est comique, mais il faut beaucoup de finesse pour l’interpréter.  Ce professeur précieux s'arrache les cheveux de désespoir devant l'incapacité des deux soeurs et devient tout feu follet devant le talent de Cendrillon quand elle danse dans les studios.

Pour séduire le jeune premier, tour à tour, les soeurs le tirent par le bras, et le malheureux se retrouve écartelé entre les deux demoiselles, sous les encouragements de la mère, rôle tenu par un homme (qui souvent s’en donne à cœur joie et fait des pointes avec délices !)   

Charles Jude joue le rôle du jeune premier ; charisme, technique sublime, beau visage, on ne peut rêver mieux ! Ses pas de deux avec Guillem  sont fascinants de poésie, de «glamour » de références au cinéma hollywoodien.

 

 

 

Cette version décalée de Noureev laisse la part belle au comique inspiré des films des années 30 : on se dispute, on se giffle, on se querelle, on se réconcilie.     King Kong, les « musicals » avec Fred astaire et Ginger Rodgers,   Metropolis,   Buster Keaton,   Chaplin  Ziegfield et ses revues et   tant d’autres sont cités avec humour, amour ou poésie… On rit beaucoup dans Cendrillon. Et quand Guillem danse, le souffle se suspend !

Outre le trio sœurs-mère, un autre trio anime les studios de cinéma : producteur, assistant, metteur en scène, qui se chamaillent sans cesse comme des chiffonniers ! Là aussi, clin d’œil à l’un des films de Buster Keaton où l’assistant est maltraité par le réalisateur !

Noureev qui est arrivé en Occident en 1961 n’a eu qu’une envie : rattraper son «  retard » en matière d’art et de culture ; en URSS, il était impossible d’accéder aux œuvres américaines et à la plupart des œuvres occidentales ; il ne dormait que deux ou trois heures par nuit, à ses retours de spectacles et de fête, et là, il consacrait le reste de ses nuits à lire, à aller au cinéma, ou à découvrir des livres sur des peintres, des artistes de tout genre ; on raconte qu’à un dîner, apprenant qu’un film qu’il n’avait jamais vu passait au cinéma d’à côté, il a quitté la table, est parti voir le film, puis est revenu

Ce côté excessif se retrouve chez Guillem d’une autre façon : elle ne fait les choses que si elle est convaincue par ce qu’elle fait à 300 cent pour cent

Cendrillon n’est donc pas le ballet «  niais » qu’on peut croire, mais un véritable hymne à l’art comme moyen de dépassement de sa condition première. Noureev comme Guillem le savait dans toutes les fibres de leur être l’un et l’autre.

 

Les décors montre l’intérieur d’un « bar » très art nouveau  (métal et verre comme le grand Palais) qui sert de cadre de vie à la famille de Cendrillon ; pour les studios de cinéma, une horloge digne des Temps moderne de Chaplin se dresse derrière le grand escalier qui a fait dire à plus d’une starlette «  l’ai-je bien descendu ? » ; au dehors, des gratte-ciels comme ceux qu’on voit dans Métropolis élancent leur sihouette vers le ciel.

 

C’est avec ses images en tête que je m’apprêtais à revoir ce ballet. J’avais réussi à avoir des places pour Leriche et Gilbert, qui, seuls, m’avaient donné envie de revoir ce ballet.

 

Deuxième partie sur le compte rendu de Cendrillon 2011 à la suite!

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16 avril 2009 4 16 /04 /avril /2009 07:27

  Aujoud'hui, critique et analyse d' Errand into the maze, demain et les autres jours, les autres oeuvres.

L'évènement est de taille, car la compagnie n'était pas venue à Paris depuis plus de dix ans... elle a même failli disparaitre complètement pour des raisons de successions de droits d'auteur... quand les artistes disparaissent, les chacals apparaissent, et de leur vivant, les auteurs n'ont pas toujours légué leurs oeuvres à qui s'en chargera le mieux
Bref, la compagnie a pu récupérer oeuvres et droits,  ( le procès a duré 8 ans et est même devenu un cas d'école) mais entre temps elle a vendu le batiment qui l'hébergeait; elle loue  à présent ses studios de danse pour son école et ses répétitions...
Mais revenons au programme, ambitieux car sur six jours, pas moins de trois programmes différents sont proposés au théâtre du Chatelet.
J'ai assisté au premier programme qui réunissait plusieurs oeuvres, dont certaines déjà vu en 1992 à l'ONP

Il s'agit de Errand into the maze, de Cave of the heart, de Diversion of angels, lamentations variations et enfin Mapple leaf rag, une production qui s'étend donc de 1930 à 1990.


 

Tout d'abord Errand into the maze ( 1947)
Graham, à 53 ans,  s'empare du mythe du labyrinthe et d'Ariane, ainsi que du minotaure. C'est son compagnon Eric Hawkins, qui a étudié les mythes grecs à l'université qui la sensibilise à cet héritage européen mais universel.  Le propos "psychanalitique"  interesse  Martha Graham plus que "l'histoire". Elle a ce génie de mettre  directement en lumière l'essence du mythe, sans passer par une mise en scène habituelle. IL n'y a donc sur la scène qu'un duo. Pas de Thésée.
Le Minotaure, les bras liés à un bâton,   danse puissamment. Il est une force aveugle qui ne pense pas. Dès le début de l'oeuvre,  Ariane serpente sans cesse, elle alterne grands battements seconde, comme autant de points d'interrogation, avec une liberté de gestes et une inventité toujours renouvelées.
Le labyrinthe,  - inconscient de l'humain -   emprisonne Ariane et son Minotaure, qui apparait, disparait au gré de ses angoisses,  de ses peurs, de ses joies aussi; et du désir qui  submerge Ariane et l'embarasse tant il est violent, entier.  Parfois elle   repousse le Minotaure, parfois il la terrasse, à la fin,  elle s'en libère et retrouve une joie de vivre...
 
Comme pour bon nombres de ses oeuvres, c 'est Isamu Noguchi qui a réalisé décors et costumes, sobres mais qui participent activement à la chorégraphie. Il y a une corde qui serpente sur le sol, un dispositif de fil tendu très aérien sur le côté de la scène, et une sorte de porte étroite qui se dersse, tel un rempart et un passage symbolique.
Au début de l'oeuvre,  la corde délimite le chemin sur lequel erre Ariane, puis elle dessine son propre labyrinthe  avant de devenir  les noeuds que se tisse l'humain. Ariane la nouera sur la porte, dressant ainsi une fragile protection   contre l'angoisse. Enfin le fil qui permet de sortir de son propre labyrinthe.
La corde revient aussi dans la chorégraphie " the cave of the heart"
La musique de Menotti accompagne l'oeuvrre ; Graham a toujours choisi des musiques puissantes, parfois assez  dramatiques mais qui servent son propos. Elle s'est toujours tournée vers des compositeurs de son temps. 
On assiste donc a un duo servi ce soir là par deux danseurs aux qualités expressives exceptionnelles, l'excellente Blakeley White Mcguire, et Lloyd Knight.
J'ai remarqué que comme pour bon nombre d'oeuvres chorégraphiques ou non,  celles de Graham prennent leur sens suivant le potentiel de l'interprête...

Blakeley est une interprête grahamienne de rêve : elle est son personnage, elle ne le quitte à aucun instant, elle lui donne ses émotions, sa chair. Charismatique, elle maintient par sa seule présence l'attention du spectateur. Dans son rôle de Minotaure, Lloyd est hiératique plus qu'animal. Il semble qu'on ne puisse lutter contre lui, et pourtant, il s'évanouit parfois comme un cauchemard... il est comme l'obsession qui   assiège mais qui n'est rien d'autre qu'une idée.

Graham mène son propos psychanalytique sans lourdeur, sans forcer le trait. Elle ne croyait pas en la " beauté du geste pour la beauté", ni en ce que le geste devait être " comme issu des mouvements de tous les jours"
C'est sûrement dans cette chorégraphie qu'on comprend le mieux sa pensée. Les gestes, les mouvements semblent directement insufflés par la pensée, par les émotions, sans répondre à une forme ( comme en danse classique) sans s'appauvrir jusqu'à devenir usuel comme chez Laban par exemple qui sera suivi par toute une école de pensée chorégraphique

Le corps reste l'outil par lequel s'exprime l'être humain tout entier, englobant ses forces inconscientes, ses pensées, ses sentiments, ses émotions, surtout dans les solos féminins.
 
Cette chorégraphie est intemporelle. Elle pourrait tout à fait avoir été créée de nous jours.
Elle rend bien terne nombres de créations actuelles sur la même thématique. Elle est un tout, car décor, costumes, musique, gestuelle, tout a un sens, tout est pensé, tout est cohérent. Elle n'est pas prétentieuse comme peut l'être une certaine danse contemporaine d'aujourd'hui, car le geste vient du plus profond de l'être humain.
bref, une oeuvre éclairée, créée par une femme intelligente, visionnaire et profondément humaine.


Suite du compte rendu " Graham à Paris" dans de prochains articles

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5 mars 2008 3 05 /03 /mars /2008 08:45

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Un nouvelle émission télé consacrée à la danse?

Nicolas Leriche remonte ce ballet pour la seconde fois; Caligula avait été créé en 2005 à l'ONP, avec dans le rôle titre Mathieu Ganio et Jérémie Bélingard, en alternance... 

Samedi dernier, il y avait une répétition publique à l'amphithéâtre de la Bastille... ces répétitions sont toujours des moments privilégiés pour les balletomanes... ou pour les amoureux de la danse tout simplement. L'amphithéâtre est petit, convivial, permet une proximité avec les danseurs et les chorégraphes... 


Ces répétitions publiques sont souvent l'occasion pour le chorégraphe d'expliquer son travail, ses intentions au public, et aussi de montrer comment se passe une répétition en studio...
Et c'est souvent cette partie là qui est là plus interessante : lorsque les mots se taisent pour laisser la place à la danse

Cette répétition était filmée car Brigitte Levfèbre aimerait lancer une nouvelle émission télévisuelle pour toucher un public plus vaste : ceux qui finalement méconnaissent la danse et ne viennent donc jamais voir des spectacles ni à l'opéra ni ailleurs...  j'ose espérer que cette émission verra le jour car la danse n'a plus droit de citer à la télévision depuis longtemps...

Un travail réglé au milimètre près

Pour cette première répétition filmée, il y avait bien sûr le danseur-chorégraphe et aussi Nicolas Paul et Aurélia Bellet.
Tout deux se sont prêtés comme bien souvent à ce travail intimidant devant un public... Nicolas les corrige, rectifie un chemin, une position de bras, de main, explique le ressenti intérieur, etc...

C'est toujours passionnant de voir comment un mouvement passe d'un corps à un autre, ce qui change ( surtout du corps d'un garçon à celui d'une fille)... 
Les danseurs ont répété des passages de Caésonia, la première femme de Caligula, notamment une scène de la Bacchanale,  quelques passages de Mnester, et des suivants... la bacchanale dansée par Caesonia m'a rappelé des figurines de Bacchus peinte sur des vases antiques... elle en avait en tous cas l'esprit...

Nicolas a expliqué que le livre de Nietzsche sur la tragédie l'avait beaucoup inspiré dans sa conception de l'artiste dyonisiaque et apollinien, et qu'il avait créé deux styles en fonction de ces polarités... 

Il a ausi longuement expliqué comment s'était construit son ballet ( à partir des lectures sur Caligula qui l'ont amené à en avoir une vision horizontale- Caligula avait un pouvoir total sur l'Empire et pouvait frapper là où il le voulait en un temps record - ce qui l'avait conduit à imaginer un vocabulaire de danse près du sol, qui s'allonge dans les déplacements ... il a insisté pour dire que le ballet était un portrait de Caligula tel qu'il se l'était représenté et non un ballet sur la vie de Caligula...

Il n'hésite pas aussi si besoin est à modifier sa chorégraphie pour l'adapter au danseur qu'il fait répéter.
Il y avait notamment une très longue phrase dansée par Nicolas Paul qui a subi sous nos yeux des transformations...

Changer le regard

Ces répétitons sont passionnantes dans la mesure où elles permettent d'entrer plus profondément dans une oeuvre... 
est ce que cela change le rapport à l'oeuvre?
Oui, parce que lorsque l'on a une connaissance plus intime d'une oeuvre, des connexions se font dans notre esprit qui sont de l'ordre de l'affect... un peu comme une personne qu'on aime d'autant plus qu'on la connait de mieux en mieux...
Et ce travail de transmission de la danse est émouvant à voir car si fragile : tout repose sur la confiance, la mémoire du corps....



complément d'information sur le site de l'opéra

 

Ballet en cinq actes
Argument de Nicolas Le Riche et Guillaume Gallienne

Musique Antonio Vivaldi (Les Quatre Saisons)
Musique électro-acoustique Louis Dandrel
Chorégraphie Nicolas Le Riche (Opéra national de Paris, 2005)
Scénographie Daniel Jeanneteau
Vidéo Raymonde Couvreu
Costumes Olivier Bériot
Lumières Dominique Bruguière
Dramaturgie Guillaume Gallienne

Caligula Nicolas Le Riche ou Stéphane Bullion
Lune Clairemarie Osta ou Muriel Zusperreguy
Mnester Benjamin Pech ou Nicolas Paul
Chaereas Wilfried Romoli ou Jean-Christophe Guerri
Incitatus Gil Isoart ou Stéphane Phavorin
Caesonia Géraldine Wiart ou Miteki Kudo
Les 3 figures Audric Bezard, Vincent Chaillet, Aurélien Houette
Les sénateurs
Séverine Westermann
ou Caroline Robert, Claire Bevalet
Stéphane Elizabé, Jean-Christophe Guerri ou Alexandre Carniato, Josua Hoffalt, Gil Isoart ou Nicolas Paul, Vincent Cordier
Les suivants
Aurélia Bellet
, Christelle Granier, Amélie Lamoureux, Ludmila Pagliero, Ghyslaine Reichert
Fabien Roques
, Samuel Murez

sur le site de l'opéra : article




 
J'avais déjà consacré deux autes articles à Caligula en 2006 : 

Caligula, Nicolas Leriche

florilèges de critiques stupides et baclées
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1 mars 2008 6 01 /03 /mars /2008 10:22

 
undefinedCette œuvre du chorégraphe suédois fait partie de mes favorites, au même titre que Ivan le terrible De Grigorovitch, ou bien Giselle,de Perrot/Coralli, ou encore Sylvia de John Neumeier ou le Mandarin Merveilleux de Béjart.

C’est l'une des oeuvres les plus incroyables que je connaisse, bourrée d’émotions, de fantaisie, de douleurs, d’énergie, d’humour, de vitalité, de dérision… Servie par les talents de l’Opéra de paris, ( dvd commercialisé, quelle excellente idée !) c’est sans conteste un chef d’œuvre ! 
Appartement est accompagné, sur scène par le Fleshquartet, musiciens suédois qui ont dopé leurs cordes de quelques décibels électroniques supplémentaires… Le résultat : désopilant et bouleversant, enthousiasmant et décoiffant ! On se sent malmené, dérangé, mais en même temps, on veut savoir… quoi ? l’envers du décor peut être, l’envers de ces vies quotidiennes dans ces appartements… où se jouent les petits ou grands drames de l’existence humaine ! On suit une dizaine de danseurs dans les méandres de la vie… 

Décors et costumes : 

L’appartement n’est évoqué que par un bidet, une porte, un four, des aspirateurs menés tambour battant au son d’une gigue Des groupes, des couples, des trios apparaissent, s’unissent, se désunissent, dialoguent ou se déchirent… quand ils ne sont pas plongés dans leur propre solitude ! 
Cette œuvre, servie par des décors restreints, utilise des costumes qui s'apparentent à des vêtements désassortis, ou ridicules : Claire Marie Osta porte une robe recouverte de pinces à linge, Kader Belarbi a un collant à rayures, Stephanie Romberg, de grosses sandales sur des collants épais et crèmes, José Martinez a de bizarres protubérances sur son costume élégant… les autres semblent être habillés avec ce qui leur est tombé sous la main… 
Des costumes ne naît nulle drôlerie : plutôt un mal être, comme si l’on voyait plus loin que le vêtement, comme si quelque chose d’intime nous était livré sur le personnage. 
Tout commence devant un faux rideau de l’opéra de Paris puis se poursuivra rideau levé. Sur la scène se tiennent les musiciens… comme dans Alice au pays des merveilles, on regarde l’envers du décors. Nous, les acteurs de nos vies quotidiennes, on en devient les spectateurs dans une chorégraphie excentrique et parfaitement maitrisée de bout en bout, jusqu’à l’évocation du drame avec ces bandes rouges qu’on colle sur les portes lorsqu’il y a eu meurtre. Mais comme dans Alice au pays des merveilles, Appartement ne se finit pas sur ce drame mais sur un époustouflant final où se rejoignent et se croisent les dix danseurs : ( dans le dvd : Osta, Leriche, Belarbi, Romberg, Gillot, Talon, Romoli, Carbone, Martinez et Hurel)
D’ailleurs, comme dans Lewis Caroll les portes ne s’ouvrent sur rien d’autre que du vide et de la non communication ; dans les fours se trouvent des bébés calcinés ; des aspirateurs pansus comme des cornemuses sonnent des gigues et entrainent avec eux les ménagères qui les manient ; les bidets cachent des visages de femme qui semblent malades, qui tremblent sous le regard parfaitement indifférents des hommes et les fauteuils prennent la forme de l’ennui de leur propriétaire… 


Un engagement total 

undefinedIl y a tant de vie, dans cette oeuvre, déclinée sur tous les tons et demi-tons! Mats Ek a une sensibilité hors pair, c'est sûr, et sous la dérision ce cachent parfois des larmes, de la peur, du chagrin. De l'amour aussi, mais qui ne peut être reçu, seulement donné, et maladroitement.
Ce que j’aime par-dessus tout, c’est l’investissement des danseurs dans cette œuvre : pour la servir, ils n’ont pas d’autres choix que de s’y mettre à nu, de se donner à fond, corps, âme et tripe, et de mettre au diapason leurs énergies, leurs vies, leurs pulsations profondes Car la musique, lente ou vive, pulse, comme la vie elle-même ! Et cette pulsation forte, profonde, accompagne l’œuvre tout du long et les danseurs en si parfaite osmose, et pourtant, tous si profondément individualisés. 

Pas de virtuosité gratuite! Et pourtant, tous sont virtuoses!


Tous excellent ! Tous donnent leur énergie, leur vitalité, leur moi profond… Leur engagement, leur technique, la maîtrise de leur corps, époustouflante, leur virtuosité qui cède la place à une apparente facilité et simplicité, tout tient le spectateur en haleine, hypnotisé mais conscient de ce qu’il voit et ressent. Cette œuvre n’annhile pas les facultés mentales. La virtuosité pure  plonge souvent le spectateur dans une sorte d’extase béate où s’engloutissent sa réflexion, son émotion, son esprit analytique ou critique. Ici, rien de tout cela. La virtuosité n'est pas exibée, car elle est au service du propos. 

La gigue des aspirateurs est un petit morceau d’anthologie ! undefined
A l’opéra de Paris, elle était servie par cinq danseuses aux personnalités bien différentes, aux physiques eux-mêmes bien distincts, et ces femmes communiquaient tout à la fois par leurs pas et leur danse, une vitalité, un enthousiasme, un ras le bol doublé d’un moment de folie… Bref, une œuvre profonde, tonique et attachante, car les failles sont là, les mal êtres sont là, mais le tout emporté par une énergie, une vitalité qui met à l’unisson tous ces talents…

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14 novembre 2007 3 14 /11 /novembre /2007 13:10

Médée Angelin Preljocaj, une oeuvre qui hante

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J’aime quand les œuvres me hantent…quand elles habitent mon esprit à mon insu ; quand elles vivent en moi, comme des passagers clandestins, qui parfois, montrent amicalement leur visage… ces oeuvres là me nourrissent aussi sûrement que l’air, l’eau, le soleil…
 La Guerre et la paix de Tolstoi, le film éponyme de Bondartchouk, Giselle, ou Hurlevent, les Heures, de Cunnigham font partie de ces œuvres qui se sont implantées en moi, et qui surgissent d’une manière inattendue, dans mes pensées. Le songe de Médée de Preljocaj vient de les rejoindre…. 

Un drame épuré

D’une sobriété surprenante, cette œuvre n’en est pas moins d’une intensité dramatique presque insoutenable… Il s’agit bien d’un « songe », et pas du drame « Médée » comme l’a conçu Euripide… et cette nuance est d’importance car le spectateur peut faire plusieurs lectures de ce ballet, tout comme les danseurs le peuvent aussi en l’interprétant. 
Tout le drame se resserre autour de cinq scènes dansées par trois personnages et deux enfants. En quarante minutes, tout est joué : Prejlocaj n’a pas dilué son propos dans une œuvre où le corps de ballet aurait par exemple joué le rôle du chœur, comme dans les drames antiques, offrant alors un ballet de facture plus classique en deux actes. 
Tout va vers l’essentiel, vers l’épure : les décors, où les sceaux suspendus, peints sur les rideaux transparents ou sur le fond de la scène où encore déposés au sol délimitent l’espace et crée de la poésie là où on ne l’attend pas : Médée verse du lait dans les sceaux et les enfants viennent laper ce lait comme des petits chats. Plus tard, comme dans la vision hallucinée de Wozzeck, le lait sera sang, folie, ou eau qui ne pourra faire disparaître les traces du crime. La lumière, qui sculpte les corps à l’antique, est travaillée avec subtilité dans des tons bleus-dorés.


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Liberté, interprétation, lecture

Les costumes, noir, rouge, argent ou doré, longs, fluides, portés pour l’entrée de Médée puis de Jason conviennent à un roi et sa reine. Le long manteau sert de cape aux enfants, de cachette, de couverture, de sépulture… la robe sera rejetée avec la trahison de Jason : Médée n’est plus une femme. Pour son entrée, Créüse porte une robe courte et très fluide qui dénude son dos et ses épaules… 

Ce qui donne sa grande force au ballet, c’est la possibilité qu’ont les interprètes de colorer, chacun avec sa sensibilité propre, le propos du chorégraphe : Ainsi, en fonction des danseurs et des danseuses – Médée, Jason, Creüse – la mère infanticide apparaît soit comme une femme implacable, qui a tout prévu d’avance par vengeance, autrement dit comme un monstre, soit comme une femme qui perd la raison lorsqu’elle voit la trahison de Jason, soit comme une femme ivre de douleur qui se punit elle-même et se tue en tuant ses enfants… Les rapports entre Médée-Jason-Créuse changent eux aussi ; Médée face à Jason peut être hiératique, folle d’amour, mère avant tout, ou amante, forte face à Créuse sa rivale ou ne faisant pas le poids… Il suffit de voir les interprêtes (Gillot, Letestu, Moussin, Cozette pour Médée ou Hilaire, Romoli, Bullion pour Jason, et encore Renavand, Zusperreguy, Abbagnato pour Créuse) pour comprendre que le drame qui va se jouer n’est pas mis en branle par les mêmes motifs psychologiques… A chaque fois une lecture est possible. 
Là se révèle la grandeur du chorégraphe qui peut laisser cette latitude et aux danseurs et aux spectateurs sans que son œuvre ne s’en trouve réduite ou amoindrie. Elle est mise en espace par la musique de Mauro Lanza qui avec un grand sens de l’économie créée des séquences entières, pleines de poésie où le temps se suspend, ou pleines d’inquiétude avec ses notes tenues où couve une menace. Lorsque la fureur éclate, attendue, les instruments explosent et le drame s’achève... 
non, le drame ne s'achève pas, parce que après l'infanticide, il y a le vide...

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Une oeuvre humaine

Ces œuvres là hantent longtemps parce que l’humain y a sa place tout entière… derrière la tragédie, derrière les racines grecques du drame se cachent des êtres  humains, fragiles, dépassés par leurs actes car manipulés par les Dieux  ( pour les auteurs Grecs)  ou leur Inconscient, ce qui au fond revient au même. Les shivaïstes ne disent-ils pas que les Dieux se nourrissent des Humains, comme les Humains se nourrissent des animaux et des plantes, qui elles-mêmes, etc… ? 

L’économie de moyens ( peu de danseurs, de costumes, de décors) ne retire rien à la force, aux émotions, qui traversent toute l’œuvre : amour maternel, innocence, amour, désir, séduction, plaisir, jalousie, inquiétude, colère, haine, rivalité, vengeance, folie, meurtre, douleur, regret, vide… une multitude d’émotions déferlent sur les trois protagonistes et sur les spectateurs qui redoutent et craignent le dénouement : bien qu’inéluctable, sera peut être évité ce soir ? La aussi réside la force d’une œuvre : susciter chez le spectateur l’espoir que   le dénouement ne sera pas celui qui est prévu... il y a peut être de l’espoir,  le pire ne sera  peut être pas commis ?
 Médée est une œuvre à voir et à revoir, car dans son langage contemporain, elle cache un drame éternel. Avec intelligence, Preljocaj s’est éloigné de son original grec et la transpose presque hors du temps. Mais si on lit l’original grec, on a conscience que les héros sont finalement proches de nous… Et offrent la possibilité d’une relecture sans changer fondamentalement les données. 


Songe...

C’est un songe : on y dort au début (les enfants) on s’y endort (Médée et ses enfants)…on s’y éveille… mais s’y éveille t’on à la réalité ? N’est ce pas plutôt le songe qui s’éveille ? Et si ce qui apparaissait sur la scène n’était que le produit d’un songe ? Comme dans les armes secrètes de Cortazar, qui rêve quoi ? Qui rêve qui ? Où est la réalité ?

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 un deuxième et court article est en préparation sur Médée.

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